Phil Schiller : pas de notes en réunion et pas de curiosité pour la rentabilité de l'App Store

Florian Innocente |

On ne prend pas de notes durant les réunions et on ne s'intéresse pas aux questions de rentabilité et de bénéfices de l'App Store. Voilà en substance comment les choses se passent chez Apple, si l'on en croit Phil Schiller.

Celui qui est Apple Fellow depuis quatre ans et qui garde la haute main sur la gestion de l'App Store et sur l'organisation des événements Apple, était appelé à témoigner cette semaine en Australie dans le cadre du procès contre Epic Games.

Phil Schiller lors de la présentation des iPhone 11 en 2019. Image Apple.

Le Financial Review rapporte les réponses de Schiller lorsqu'il a été interrogé sur la manière dont Apple mène certaines de ses affaires. En résumé, l'énorme et richissime Apple peut se comporter comme une start-up qui ne s'embarrasse pas nécessairement de protocoles ou de considérations financières.

Première affirmation, il n'y a pas prise de notes ni procès-verbal d'aucune sorte qui pourraient renseigner sur ce qui s'est dit lors des réunions des hauts dirigeants de l'entreprise. Cette manière de faire serait un héritage de Steve Jobs :

« Lorsque M. Jobs est revenu en 1997, lors d’une des premières réunions, quelqu’un prenait des notes, retranscrivant ce que [M. Jobs] disait à propos de ce que l'on faisait. »

« Il [Jobs] s’est arrêté et a demandé : « Pourquoi écrivez-vous ça ? Vous devriez être assez intelligent pour vous en souvenir. Si vous n’êtes pas assez intelligent pour vous en rappeler, vous n'avez rien à faire dans cette réunion. »

« Nous avons tous arrêté de prendre des notes et nous avons appris à simplement écouter, à prendre part à la conversation et à nous souvenir de ce que nous étions censés faire. Et c’est ainsi que nous avons continué à travailler. »

« C'était très orienté vers l'action. C'était organisé pour ressembler à une petite start-up où nous travaillIons tous ensemble sur les mêmes choses, et nous savons tous quels sont nos projets et ce que nous faisons. »

Cette approche n'est pas tombée en désuétude et elle continue d'être appliquée jusqu'aux plus hauts niveaux :

 « Généralement il y aura un ordre du jour, et nous aurons des discussions, et nous nous séparerons avec un plan sur ce que nous devons tous faire et ce sur quoi nous devons travailler, mais je ne suis au courant d'aucun « procès-verbal » ou d'enregistrements après une réunion. »

Même détachement quant à savoir si l'App Store est une activité rentable pour Apple ou combien elle fait entrer d'argent dans les caisses. Ce n'est pas sur ces critères qu'Apple fonctionne pour cette activité, a assuré Schiller à l'avocat d'Epic Games qui l'interrogeait :

« Êtes-vous en train de dire à Son Honneur que vous ne savez pas si… l’App Store a été rentable ? »

« Je pense que c'est [rentable]. Ce que je veux simplement dire c'est que le « bénéfice » en tant que mesure financière spécifique n’est pas un relevé que je reçois et auquel je consacre du temps. Ce n’est pas ainsi que nous mesurons notre performance en tant qu’équipe. »

Plus tard il expliquera que la facturation, les comptes, les abonnements sont des chiffres que l'équipe surveille et gère de près. Mais le retour sur investissement, la trésorerie ou les prévisions financières n'ont pas été pris en compte lorsqu'il a été décidé d'appliquer une commission de 30 % sur la vente d'une app :

« Avez-vous déterminé quel serait votre retour sur investissement ? »

« Pas que je m'en souvienne. »

« Avez-vous étudié des mesures financières telles que la rentabilité prévisionnelle de l'imposition d'un taux de commission de 30 % ? »

« Pas que je m'en souvienne. »

« Êtes-vous en train de dire à Son Honneur que vous avez pris cette décision, sans aucune étude sur le flux de revenus qui serait généré par la mise en place d'une commission de 30 % ? »

« C'est exact. »

avatar cecile_aelita | 

@lion.mar

Probablement oui. Je ne saurais pas dire.

avatar pacolapo | 

Pas forcément lié à la mémoire, dans le côté « faut tout retenir » mais plutôt « avoir l’intelligence » pour arriver à synthétiser les choses et retenir les grands principes et choses à appliquer/ à faire pour connaître la direction à suivre, laissant une certaine liberté d’interprétation.

C’est encore la manière de fonctionner d’Apple dans bien des domaines…

avatar cecile_aelita | 

@pacolapo

D’accord. Effectivement je n’avais pas vu les choses comme ça.

avatar pat3 | 

@cecile_aelita

Ça me paraît tout à fait logique pour la personnalité de Jobs. Parce que lui se souvenait des décisions prises vu que c’est lui, au final, qui tranchait 😀
Et comme il était focalisé produit, il devait se foutre des détails pécuniers, à charge de ses subordonnés de prévenir si les coûts pouvaient s’avérer élevés. Et à charge de Jony Ive de donner corps à sa vision.
Sous Jobs, les ingés étaient au service du design.
Jobs malade, le design est devenu dictatorial (l’obsession de la finesse de Ive).
Ive parti, Jobs mort, les ingénieurs sont livrés à eux-mêmes, et les designers en restent aux fondamentaux.

Oui, je crois à ma propre fiction ! 😅

avatar jipeca | 

Bah, Tim Cook serait un logisticien...!? Ce type de personnalité pense ce qu‘elles disent, et s‘assurent d‘aller jusqu‘au bout parce qu'ils ont la conviction qu‘il n'existe qu'une bonne façon de procéder (la leur), et que ceux qui prétendent le contraire essaient juste de contourner les règles. Et on voit ce que ça donne. J'ai essayé l'iPhone, et j'ai aussitôt regretté One+... Et je suis sur mac depuis 1986... Jamais eu autant de tentatives de hacking que maintenant sur Monterey, et sur Ventura (Que je n'utilise même plus d'ailleurs) Je continue sur Snow Leopard avec un mac remis à niveau, et Monterey me sert juste à aller sur mes comptes bancaires et les sites officiels. Par manque de navigateur ad-hoc.... A part ça, il plante régulièrement, perds des données et des sofwares (sous Monterey) qui disparaissent totalement après avoir planté, et j'en passe. Mon anti virus retrouve des tentatives de piratage ou d'installations de malwares... En bref tous les emmerdements que je n'ai jamais eu et que je ne connais toujours pas sur Snow Leopard. Bravo au logisticien, et à Schiller qui n'est qu'un mec bouffi de suffisance et d'orgueuil.

avatar Baptiste_nv18 | 

@jipeca

Je pense que votre problème se situe en face du clavier

avatar k2r | 

🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣

avatar cosmoboy34 | 

« Avez vous été honnête une seule fois avec son honneur ? »

« Pas que je m’en souvienne »

avatar occam | 

@cosmoboy34

« Not that I recall. »
Voici un tout petit florilège d’occasions où Donald Trump a utilisé cette formule. Le plus souvent sous serment. En public. Sans la moindre honte.
Dwight Chapin, assistant personnel de Richard Nixon à la Maison Blanche, s’est fait épingler pendant les enquêtes sur Watergate pour avoir faussement déclaré face au Grand Jury : « Not that I recall. » Il a passé 9 mois en prison. C’était une autre époque, il en coûtait de mentir sous serment.

Phil Schiller est en parfaite compagnie.

https://congressionalintegrity.org/donald-trump-and-maga-republicans-the-masters-of-dont-recall/

https://www.c-span.org/video/?301734-3/dwight-chapin-oral-history-interview-part-3

avatar cosmoboy34 | 

@occam

Ca coûte tout aussi cher aujourd’hui ils cachent juste les preuves beaucoup mieux

avatar debione | 

Comme quoi la marketing Apple c'est vraiment du bullshit...
Le matériel et le soft ne sont tellement pas sécurisé qu'ils en sont revenu à la transmission orale... Je me demande si ils ont un arbre à palabres dans la salle de réunion...

inutile je suis déjà très très loin^^

avatar rikki finefleur | 

En gros il faut retenir sur ce qui se dit dans les réunions.
Et après il répond sur un sujet précis
Pas que je m'en souvienne..
La façon de prendre les gens pour des jambons.

avatar byte_order | 

Si y'a aucune recherche de quelconque rentabilité de l'AppStore, alors pourquoi tous ces efforts pour que le taux de commission, dont d'après lui n'a rien à voir avec un quelconque objectif de rentabité s'applique à tous les développeurs tiers sans exception, et y compris sur le prix d'abonnement à un service qui n'est même pas distribué, lui, contrairement à l'app d'accès, par l'AppStore ?
Pourquoi s'opposer à l'existence d'autres stores, alors ?

Etrange acharnement dans ses actes de la part d'une société qui affirme devant un juge que l'aspect source de profits de l'AppStore n'a jamais été sujet à discussion ni préoccupation...

Ses paroles disent une chose (en gros, "je ne me souviens pas (et y'a pas de traces pour prouver que je mens en disant cela"), les actes (toutes les entraves, refus d'apps cherchant à contourner cette commission, refus/entrave faite à des apps rentrant en concurrence avec une solution d'Apple - iCloud, navigateurs alternatifs, stores alternatifs, méthodes de paiement in-app alternatives, cloud gaming vs Apple Arcade, auto-promotion pour Apple Music via des notifications alors que les apps tiers n'avaient pas le droit d'en faire, etc etc), les actes, donc, eux, disent tout autre chose.

avatar mat16963 | 

Je me demande quelle est la part de vérité dans ce qu’il dit…

D’un côté si vraiment la majorité des réunions se déroule sans note ça peut expliquer cette condescendance propre à Apple (« on est mieux que tout le monde, donc on n’a pas besoin de notes »), mais aussi les incohérences basiques dans les gammes de produits…
Maintenant j’ai quand même grande peine à croire que 99% des réunions ne se déroulent pas avec prise de notes… Il prend vraiment le jury pour des chèvres Schiller…

Edit: je viens de me souvenir que Schiller c’est quand même le gars qui maintenait qu’Apple allait maintenir le clavier papillon et continuer à investir dessus à peine quelques mois avant le retour du mécanisme ciseau sur le MBA et l’abandon total du clavier papillon…

avatar DG33 | 

@mat16963

Il avait 🏊‍♂️ le jour de la réunion papillon 😇

avatar Mrleblanc101 | 

Ah tout c'est troll qui pensent que c'est facile de calculer combien l'app store rapporte. Il y a tellement de variables, le coût de développement de Xcode, App Store Connect, l'équipe d'App Review, la WWDC, les APIs, les services web gratuits (WeatherKit par exemple) et toute une panoplie d'autres choses à prendre en considération

avatar Labsyb | 

Marrant d’invoquer Steve Job pour venir appuyer l’idée d’une pratique bien utile en de pareils moments.

Ceci étant cette anecdote, vraie ou fausse est plausible. Même si on imagine bien qu’à la réunion suivante le même aurait pu pousser une gueulante bien glaçante parce que « bien évidemment bande d’abrutis, personne n’a pris de notes : vous êtes payés pour quoi hein ? »

avatar Malouin | 

Et comme à chaque fois... Les sachants envahissent l'Agora !
Entre les "YAKA - FOKON" et les spécialistes financiers de l'écosystème Apple...
Entre les juristes de pacotilles et les donneurs de leçons...
Tout cela oscille entre le navrant et le pathétique.

avatar cecile_aelita | 

@Malouin

Y’a un peu de ça en effet.

avatar Oncle Sophocle | 

Donc chez Apple, on ne trouve ni corbeille à papiers ni déchiqueteuse ?

avatar byte_order | 

@Oncle Sophocle
Ni comptable ni directeur financier ni stratégie de mesure de la performance de l'entreprise, visiblement.

Car "la compagnie n'a aucune curiosité en terme de rentabilité".
Apple est devenue la plus riche des entreprises à l'insu de son plein gré, semble-t-il.

Tellement crédible.

avatar BeigeAloneBarnacle | 

On peut comprendre la violence des réactions sur la non prise de notes en réunion quand on sait combien le travailleur français croule sous les procédures administratives…

Pour l’avoir vécu dans de grandes compagnies américaines, c’est pourtant une pratique rafraîchissante assez courante même pour des réunions à des échelons moins élevés.

Cela apporte une dynamique, une capacité de synthèse pointue, une culture du secret, une vivacité d’esprit.

Avec des équipes spécialisées, chacun connaît son rôle et ne s’encombre pas du rôle des autres.

Le risque, c’est la réunionnite aiguë, mais si elle a lieu, démontre que les intervenants ne sont pas à la hauteur. Et là, on connaît malheureusement la facilité de licenciement de ce pays…

avatar Insomnia | 

Avec une entreprise comme Apple oser dire qu’ils se préoccupent pas la partie financière du store est une vague fumisterie. Apple a toujours été carré et ne diffuser que ce qui est important et mettre de côté la partie store est bizarre

avatar BingoBob | 

J’espère que le juge décidera de perquisitionner Apple. Quand on refuse la prise de notes, c’est qu’on a quelque chose à cacher. Exactement comme quand on fait des montages financiers hyper complexes pour échapper à l’impôt.

J’espère d’ailleurs que ce changement de loi qui inverse la charge de la preuve - prévu en France et en Europe - se concrétisera bientôt.

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