Wired raconte la naissance de Google Chrome

Florian Innocente |
Wired, sous la plume de Steven Levy, lève un coin du voile sur la naissance de Chrome, le navigateur web de Google. On y apprend que les prémisses de ce projet remontent à 2001. Eric Schmidt, ancien directeur technique de Sun puis patron de Novell, venait d'être débauché de ce dernier par Larry Page et Sergey Brin pour prendre la tête du moteur de recherche et le duo lui proposait de se lancer dans la conception d'un tel logiciel.


Une idée vieille de 7 ans

Au départ Schmidt a totalement rejeté l'idée, estimant que Google n'avait pas encore les reins assez solides pour se lancer dans une guerre des navigateurs face à Microsoft. Mais Schmidt insista pour que cette stratégie soit tenue secrète. Il y eut néanmoins quelques fuites et le nouveau patron dut publiquement démentir tout projet d'un navigateur. Par chance, cette rumeur traîna tellement longtemps, sans qu'elle se concrétise d'aucune manière, que personne n'y prêta plus beaucoup d'attention, le navigateur de Google était devenu une sorte de serpent de mer.

Pour Google aujourd'hui, disposer de son navigateur relève d'un intérêt évident "toute notre activité tourne autour de gens qui passent par un navigateur pour accéder à nos services et aller sur le web" explique Sundar Pichai le vice-président produit chez Google.

Pendant que l'idée d'un navigateur restait dans l'air parmi les hauts responsables de Google, ses deux cofondateurs formèrent une équipe pour contribuer aux efforts de développement de Firefox. Elle comprenait des anciens de la fondation Mozilla et un ingénieur passé par NeXT.

"C'était assez intelligent de la part de Larry and Sergey" explique Schmidt dans l'article "parce qu'évidemment, ces personnes qui réalisaient des extensions pour Firefox étaient parfaitement capables de développer aussi un excellent navigateur."


Le navigateur du nouveau Web

C'est à compter du printemps 2006 que ce groupe Firefox chez Google commença à réfléchir à l'idée de réaliser son propre navigateur. Ils adoraient Firefox mais ils lui trouvaient quelques défauts, partagés aussi par ses concurrents.

L'usage que l'on faisait du web avait considérablement évolué depuis quelques années avec l'arrivée d'applications en ligne et ces navigateurs n'avaient pas été conçus en ce sens. Les ingénieurs de Google voulaient par exemple un navigateur conçu autour d'une architecture multi-tache, où chaque fenêtre est indépendante des autres dans son exécution… comme dans ses plantages.

Mais cela impliquait de revoir en profondeur les fondations de ces logiciels et, ce faisant, tout l'écosystème des extensions qui gravitait et se développait autour était mis en péril. La seule solution était de partir d'une page blanche et de faire son propre navigateur.

En juin 2006 ils mirent au point un petit prototype. Pour son moteur HTML l'équipe choisit le WebKit d'Apple, déjà utilisé par les développeurs d'Android chez Google. À cette époque WebKit était jusqu'à trois fois plus rapide que son concurrent Gecko dans Firefox. Au bout de quelques semaines, ce premier brouillon d'un nouveau navigateur fonctionnait sur Windows et ils en firent la démo à Brin et Page.

Feu vert sous conditions

Aucun des protagonistes ne se souvient quand le feu vert fut donné pour formaliser le projet, mais Schmidt entre temps n'était plus opposé à cette idée. Il énonça en revanche certaines conditions, que le résultat soit très différent d'Internet Explorer et de Firefox, qu'il soit véloce et surtout totalement open source. Cela se passait à l'automne 2006.

Cette obligation à l'open source point finit de convaincre les ingénieurs impliqués dans ce projet, car certains avaient quelques remords. Ils estimaient qu'ils allaient d'une certaine manière saboter les travaux de la Fondation Mozilla. Mais avec un produit open source, les avancées de Google pourraient bénéficier à tout le monde, concurrents compris.

Lors de réunions régulières dans le cadre des travaux autour de Firefox, Mitchell Baker, alors à la tête de la Fondation Mozilla (et aujourd'hui sa présidente), fut informée par Sundar Pichai de ce projet. Dans l'article elle dit voir dans la stratégie de Google une validation de celle de Mozilla, à savoir de proposer un choix en terme de navigateurs web. Elle estime que cela peut profiter à tout le monde et stimuler la compétition. Avec néanmoins un risque, celui que pas mal de monde télécharge et essaie ce navigateur, mais elle tempère "On s'attend à ce que les gens l'essaie, puis qu'ils reviennent vers nous."


La carte Danoise

Un gros morceau de ce futur navigateur était son moteur JavaScript. Si Google a choisi WebKit pour son moteur de rendu de page, elle a conçu sa propre solution pour le JavaScript, baptisé V8 du nom d'une équipe recrutée en Europe

En septembre 2006 elle a contacté un Danois, Lars Bak, qui avait passé presque 20 ans à travailler sur des machines virtuelles. Et il s'apprêtait justement à prendre un peu de recul lorsque Google l'appela.

Bak a alors formé une petite équipe et pendant quatre mois ils travaillèrent du matin au soir (entrecoupé de séances de Wii) pour mettre au point une machine virtuelle JavaScript plus rapide que ce qui existait alors.

À quelques jours de la sortie de Chrome, les tests internes de Google la donnaient comme trois fois plus rapide que celle de Firefox et de Safari et 56 fois plus véloce que le moteur d'Internet Explorer 7.

Et puisque les applications web font un énorme usage de programmes en JavaScript, si les performances augmentent, les possibilités offertes pour en tirer profit également. On se dirige alors plus avant vers un environnement de travail tourné vers le web, une spécialité de Google à laquelle Microsoft est, pour l'heure, moins bien préparé.


Un secret bien gardé

Au fil des développements l'équipe Chrome s'est agrandie et Google l'a renforcée via une acquisition. Elle a mis la main sur une société, GreenBorder, qui pouvait l'aider à mettre au point ce système de bac à sable dans Chrome où les tâches sont cloisonnées et indépendantes l'une de l'autre. Un ingénieur de GreenBorder raconte que ce n'est qu'une fois le rachat signé qu'ils ont su ce sur quoi Google voulait les faire plancher.

Les grands détails de la plomberie réglés est venue la question de l'interface du navigateur et de la forme qu'elle devait prendre, avec comme slogan "Content, not chrome", autrement dit l'interface devait s'effacer derrière le contenu des pages et des applications web.

Réussir à ce que lorsqu'on utilise un Gmail par exemple, on ait l'impression d'être dans une application et non dans une fenêtre de navigateur. Quant au choix du nom Chrome (utilisé aussi dans Firefox), il désigne les éléments d'interface qui entourent la page.

Certains choix radicaux furent opérés, comme de supprimer la barre des signets. Mais des tests montraient que les utilisateurs aimaient en passer par là pour naviguer. Un compromis a été trouvé, en cas d'import de données depuis Explorer ou Firefox elle apparaîtrait, dans le cas d'une installation toute neuve elle disparaîtrait.

À partir de mi 2007 des personnes extérieures au projet furent mises dans la confidence, avec des démonstrations, mais pour autant rien ne fit surface dans les médias. Jusqu'à hier.

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avatar thierry61 | 
Petite précision en ce qui concerne Eric Schmidt (ce que n'évoque pas Wired) : il n'est pas passé de Sun à Google directement. Entre temps il a été patron de Novell pendant 4 ans. Cela étant, je m'interroge sur la pertinence de ce projet. N'arrive t-il justement pas après la bataille ? il semble avoir mis du temps à éclore et arrive sur un marché déjà bien peuplé en navigateurs (yawn... yet another web navigator :-) )
avatar Un Vrai Type | 
Google est arrivé après la bataille des moteurs de recherche, après la bataille de la publicité sur internet, après la bataille de la cartographie, après la bataille des OS pour téléphone... Ou bien Google a relancé la bataille des moteurs de recherche, relancé la bataille... Juste un point de vue, à mon avis.
avatar Mc. Brian | 
Moi je suis content, je me réjouis de voir ce que cela peut donner dans le futur (proche), mais je pense que si quelqu'un en pâti, se sera forcément Mozilla FireFox, car à par les certains indécis sur IE, le reste (un reste de 70% 8D) ne changera sinon ils l'auraient fait plus tôt.
avatar momo-fr | 
Ça évolue lentement pour Explorer mais la culture web avance, je le constate autour de moi, pas mal de personnes abandonnent Explorer sur conseil d'un ami, bouche à oreille, etc. Explorer est sur la mauvaise pente, et ça semble définitif... même si l'effet de masse des ventes PC amoindrissent ce fait.
avatar Aimzèd | 
Le but de Firefox n'étant pas de dominer la planète, ça ne leur pose pas de problème. Le but premier de Firefox était de proposer une alternative crédible à IE afin de rétablir une concurrence et ainsi forcer MS à se réveiller et recommencer à bosser sur IE. Mission accomplie avec brio. Je me pose quelques questions sur le moteur JS de Chrome. Je l'ai testé sur SunSpider et il fait un résultat entre Firefox 3 et Firefox 3.1. Firefox 3.1 inclut de façon expérimentale une transformation du JS en code machine, qui apporte de grosses améliorations en termes de performances (il me semble que Webkit planche sur quelque chose de similaire). Or, c'est précisément ce que Google prétend faire dans son navigateur. D'où une interrogation : si ce système est déjà inclus de manière solide dans Chrome, comment se fait-il qu'il fasse moins bien que le système expérimental de Firefox 3.1 ? Je suis perplexe... J'attends avec impatience l'analyse de gens bien plus experts que moi pour éclairer ma lanterne, parce que j'avoue avoir été en quelque sorte déçu de ces résultats de la part de Chrome...
avatar michaelprovence | 
J'aime la rapidité, l'espace disponible pour la page qui est plus grande que firefox (je ne connais pas IE), les onglets se retrouvent tout en haut ça fait bizarre mais on s'habitue rapidement par contre pour les favoris ça vraiment l'air basique par rapport à firefox (pas de gestion, pas de mot clés, j'hésite à l'adopter du coup ??? Tout à fait d'accord avec mc brian et thierry 61 !
avatar Frodon | 
@Aimzèd As tu essayé de relancer une deuxième fois le bench? Car la compilation à la volée c'est toujours plus lent à la première execution qu'au suivante, puisqu'à la première execution, il compile puis il execute, au suivante il execute le code déjà compilé précédemment.
avatar Frodon | 
Résultats de SunSpider des différents browser, Chrome inclus: http://kourge.net/node/122
avatar Aimzèd | 
@Frodon : Non, je ne l'ai pas relancé une seconde fois. Cela dit, étant donné que SunSpider exécute cinq fois chaque test, la compilation ne devrait se faire qu'au premier, réduisant ainsi le temps de compilation à un faible pourcentage du temps total, non ? Je me demande aussi si le cache du navigateur joue un rôle (mais je présume que non) Merci pour le lien mais, malheureusement, il ne prend pas Firefox 3.1 en compte, ce qui n'aide donc pas pour comparer son efficacité par rapport à Chrome. (de toute façon, tous les navigateurs ont des choses très prometteuses en développement d'un point de vue JS, sauf IE, dont même la version 8b2 reste plutôt lamentable d'après ce que j'en ai vu...)
avatar grenoble | 
A voir ce que va donner cette interface dans l'environnement MacOS X... Autant sous Windows, les dévs n'ont pas (ou ne respecte pas) de guidelines, autant sur Mac, une interface particulière dénote et fait rapidement tâche...
avatar Florian Innocente | 
@ Thierry61 : exact !
avatar studdywax | 
une bien chouette société, ce google...mais avec un nom pareil, ca ne marchera jamais :D
avatar seb2889 | 
Google « se réserve le droit de prévisualiser, réviser, marquer, filtrer, modifier, refuser ou retirer tout ou partie du Contenu issu de tout Service. Pour certains Services, Google peut fournir des outils destinés à éliminer par filtrage les contenus à caractère sexuel. Ces outils comprennent les paramètres de préférence SafeSearch ». Une lecture paranoïaque révèle qu’on passe là d’un navigateur neutre techniquement à un navigateur qui fait des choix sur les données affichées, sans doute avec d’excellentes raisons, mais question récurrente : qui contrôle le contrôleur ?
avatar Stanley Lubrik | 
A propos de Google, mis à part Chrome, ils viennent aussi de lancer Picassa 3 (pour ceux qui sont en BootCamp). Il y a pleins de nouveautés dont la détection de visages, la réalisation de films à partir d'une sélection d'images, un viewer compatible avec l'explorateur de Windows, Geo-tag, management des répertoires, interactions entre les répertoires ordi et les Picasa Web albums... A télécharger ici : http://picasa.google.com/intl/en_us/thanks.html Détails là : http://www.google.com/support/photos/bin/answer.py?answer=93773
avatar brume | 
Ce navigateur a de bonnes idées (je l'ai essayé un peu), mais dommage qu'il soit aussi moche.
avatar nlex | 
Je trouve ça super qu'il ai encore plus de concurrence dans se domaine surtout si c'est basé sur Webkit et les standards du Web : il y a des idées intéressantes mais j'ai des doutes dans les capacités de Google en matière de design d'interface. Suffit de regarder Gmail. ça pose aussi pas mal de problèmes si Google contrôle le moteur de recherches, la pub, les vidéos, les mails, le navigateur… en plus ils gardent tous vos infos perso pendant 15 ans… brr…
avatar nlex | 
(même si la GUI de Picassa est pas mal mais c'est pas la même équipe)
avatar CBi | 
Aucune explication sur le pourquoi de la BD de présentation type "Sylvain et Sylvette" ??([URL="http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/09/02/800-j-aime-la-bd-mais"]ce n'est pas moi[/URL]qui ai trouvé la ressemblance, mais elle est assez frappante je trouve)
avatar NiarKal | 
Chez moi Chrome est bien plus rapide que Firefox 3.1 (nightbuild) sur le benchmark SunSpider.
avatar james85 | 
La bataille des browsers n'est pas une bataille pour avoir le meilleur rendu HTML ou pour avoir le meilleur moteur javascript. Ca, c'est la poudre que l'on jette aux yeux des internautes. La bataille, c'est la publicité en ligne : ce n'est pas un hasard si Google, champion des recettes publicitaires sur Internet lance un browser au moment même où Microsoft annonce un browser qui va empêcher (ou du moins rendre plus difficile) la publicité ciblée. Il ne fait aucun doute que le browser de Google n'intègrera pas cette technologie ... au contraire. Beaucoup de personnes continuent de penser que Microsoft est Big Brother car il a le quasi-monopole sur les OS et les outils bureautiques. Regardez Google : il a déjà le monopole sur les contenus et ils commencent à se lancer dans les outils pour gérer et approvisionner ses bases de données. Un monde où l'on utilise le browser Google pour faire des recherches dans le moteur Google, où son agenda est géré par Google, ses emails par Google l'actualité sélectionnée par Google News, ses déplacements indiqués par Google Map, ses fichiers bureautiques stockés sur les serveurs Google et où même les livres sont numérisés par Google, ça commence un peu à me faire peur.
avatar Florian Innocente | 
@ CBi : et à la limite pourquoi pas une BD ? Ca fait cool, sympa, c'est original et personne ne lit les communiqués de presse qui sont souvent chiants comme une trace de gras sur une chemise. Là une BD, tu es sûr qu'elle sera lue bien au delà de la sphère des journalistes.
avatar Anonyme (non vérifié) | 
NiarKal > t'as activé l'accélération de Firefox 3.1 ? Leur équivalent de SquirrelFish n'est pas activé par défaut pour le moment (et pour cause, au début ça plantait sur pas mal de sites) Et si quelqu'un ayant un Chrome dans un windows natif peut le comparer à une nightly de WebKit, ce serait cool. Avec par exemple le résultat global de la suite de test de John Resig pour Mozilla : http://dromaeo.com/
avatar hirtrey | 
@sunjohn : Chrome : 683.00 ms / Webkit (36012) 2343.60 ms / Safari : 3661.60ms / Firefox 3 3245 / MineField (ce matin) 2674.80ms / Opera : 4224.40
avatar Wolf | 
@ Mc. Brian: Tu serait étonné de voir le nombre d'utilisateur de Windaube qui ne savent pas ce que c'est que FireFox. D'ailleurs la plupart des gens pensent que Hotmail est un logiciel de mail donc ...

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